Au cœur de la cour de récréation s'étendait un royaume où l'imaginaire côtoyait la réalité, où chaque falaise et chaque rocher avaient une âme, et où les arbres chuchotaient des secrets aux oiseaux colorés. Les enfants s'y amusaient, inventant chaque jour de nouvelles aventures, peuplées de créatures étonnantes et de personnages hauts en couleur.
Parmi eux, un chameau à l'allure noble et à la démarche assurée arpentait le terrain. Ce n'était pas un chameau ordinaire ; Caramel, puisqu'il se nommait ainsi, était doté de la capacité de parler aux humains. Avec ses deux bosse où se cachait un monde d'histoires, il était le confident et le protecteur des enfants et il aimait les écouter, les conseiller et jouer avec eux.
Un matin lumineux, alors que le reflet du soleil dansait sur les toboggans et les balançoires, une intrigue capta l'attention de Caramel. Une nouvelle structure avait été érigée au milieu de la cour, une table majestueuse et ornée, faite de bois brillant et sculpté avec une minutie qui n'avait rien à envier aux plus grands chefs-d'œuvre des hommes.
— Quel mystère se cache derrière cette table si finement ouvragée ? se demanda Caramel tout haut, en s'approchant de l'objet qui n'était là la veille.
Sous la table, il découvrit une carte postale à l'illustration éclatante. Il la retourna et lut à haute voix : À celui ou celle qui trouve cette carte, je l'invite à partager le thé à trois heures précises, signé : La Reine de la Cour.
— Une reine, ici ? C'est assurément une farce ! murmurait Caramel, ses grands yeux pétillant de curiosité.
Le chameau n'eut pas longtemps à s'interroger, car soudain, derrière lui, une voix douce et ferme résonna :
— Vous avez trouvé mon invitation, je vois. Je suis ravie.
Caramel se retourna et fut ébloui par la vision qui s'offrait à lui. Là, se tenait une reine d'une beauté et d'une élégance surnaturelle, coiffée d'une couronne étincelante et vêtue d'une robe scintillante aux couleurs changeantes comme le ciel au crépuscule. Elle était accompagnée de deux gardes, des écureuils vêtus de minuscules uniformes dorés.
— Bienvenue, Caramel. Je suis la Reine de la Cour et je t'ai choisi pour m'aider à résoudre un mystère qui pèse sur mon royaume, dit-elle en s'inclinant légèrement.
— Un mystère ? Je serais honoré de vous assister, répondit Caramel, intrigué et légèrement intimidé.
— Parfait ! suivez-moi, s'il vous plaît.
Caramel se mit alors à marcher aux côtés de la reine, admirant la grâce de sa nouvelle compagne. Elle lui expliqua que chaque jour, à trois heures précises, un phénomène étrange se produisait. Des objets précieux, jeux et jouets disparaissaient comme par enchantement.
Arrivés à la table, la reine sortit de son sac une loupe d'une finesse remarquable et se pencha pour étudier les symboles gravés sur le bois.
— Regardez ces inscriptions, Caramel. Elles sont la clé de l'énigme. Vous êtes connu pour votre sagesse. Pouvez-vous les déchiffrer ?
Caramel observa longuement les symboles, son esprit s'évadant dans le royaume des légendes qu'il connaissait si bien. Puis, une idée jaillit.
— Ce sont les marques d'un vieux jeu, un jeu de pistes et d'énigmes, qu'on raconte dans les contes du désert. Il faudrait suivre les indices pour découvrir où mène cette énigme.
La reine sourit, heureuse de voir que Caramel commençait à percer le mystère. Elle hocha la tête, donnant son accord pour qu'ils entreprennent ensemble cette quête des plus intrigantes.
Leur périple les mena vers les différents coins de la cour de récré, où chaque lieu leur offrait une nouvelle pièce du puzzle. Ils questionnèrent les arbres, inspectèrent les jeux, observèrent le ciel et même les formes des nuages à la recherche d'indices.
À chaque nouvelle découverte, Caramel éprouvait un mélange d'excitation et de tendresse en voyant l'ingéniosité et l'imagination des enfants à travers les énigmes qu'ils rencontraient. Et la reine ne tarissait pas d'éloges sur le chameau, admirative de sa perspicacité et de son esprit logique.
Après plusieurs aventures, le soleil commençait à décliner, jetant ses derniers rayons chauds sur la cour qui s'était vidée des rieurs et des joueurs. Il était presque trois heures, l'heure fatidique des disparitions. Caramel et la reine tenaient un dernier indice dans leurs pattes et mains : un poème énigmatique qui évoquait le temps, les rires et les souvenirs.
— Je crois comprendre, s'écria Caramel. La réponse n'est pas dans les objets eux-mêmes, mais dans ce qu'ils représentent !
— Continuez, je vous prie, dit la reine, curieuse.
— Les enfants jouent, ils s'amusent et laissent des traces de leur joie et de leur créativité partout ici. Ce n'est pas la disparition des jouets qui est importante, mais le fait qu'ils étaient utilisés pour créer des souvenirs heureux. Peut-être que votre royaume veut simplement rappeler l'importance de ces instants partagés…
Alors que les aiguilles de l'horloge indiquaient trois heures, la table se mit à luire, révélant tous les jouets qui avaient disparu. Ils étaient là, rangés soigneusement en dessous, accompagnés de photos des enfants jouant et riant ensemble.
La reine, les larmes aux yeux, se tourna vers Caramel.
— Vous avez vu juste, cher Caramel. Ce n'était pas de la magie noire, mais un enchantement pour nous souvenir de ce qui compte vraiment : la joie et l'amitié. Merci, du fond du cœur.
Alors que la nuit tombait, Caramel et la reine convinrent de transformer le mystère en tradition : la Table des Souvenirs serait un lieu où les enfants viendraient partager leurs meilleurs moments, pour que jamais ils n'oublient la magie de l'enfance et la richesse de leur imagination.
Tous les jours, quand la cloche sonnait la fin des classes, un cortège d'enfants se rassemblait autour de la table, déposant jouets et dessins, riant et chantant sous le regard bienveillant de Caramel et la lumineuse présence de la reine.
Et Caramel, le sage chameau à deux bosses, devenait le gardien de ces instants précieux, le conteur des aventures merveilleuses qui avaient lieu dans la cour de récréation, le royaume où chaque jour, l'imaginaire prenait vie.