Dans le grand hall bondé de l'aéroport, où les avions effleuraient le ciel de leurs ailes argentées, Papy Marcel attendait patiemment, perché sur un banc confortable, en écoutant le doux brouhaha des voyageurs. On pouvait y voir familles pressées, hommes d'affaires aux mallettes brillantes et touristes aux yeux émerveillés. C'est en ce lieu de croisement des mondes que notre histoire prit son envol.
Papy Marcel portait son vieux pull tricoté par Mamie Lou avec ses initiales brodées sur la poitrine et un pantalon à carreaux qui avait connu des jours meilleurs. Sa canne en bois reposait contre ses genoux, et sur ses genoux, jouait un petit chapeau de laine qu'il faisait danser au bout de ses doigts agiles. Ce chapeau, à dire vrai, n'était pas un simple bout de tissu. C'était le dernier ouvrage que Mamie Lou avait tricoté avant de s'en aller vers les étoiles, et Papy Marcel ne partait jamais sans lui.
— Marcel, t'es sûr que t'as pris les billets? avait demandé sa fille au téléphone plus tôt dans la matinée.
— Comme si j'avais l'habitude de les oublier! avait-il répondu avec une pointe de malice dans la voix.
Et voilà qu'il attendait, un œil sur l'horloge, l'autre sur les portes vitrées où devraient apparaître ses petits-enfants, Clara et Théo, revenant de leur voyage scolaire. Tout à coup, un grand remue-ménage capta son attention. Un groupe de curieux s’était formé non loin de là, autour d'une personne à l’apparence pour le moins singulière. Papy Marcel, curieux comme un chat, ne put s'empêcher de s'approcher pour voir de plus près.
Cette personne portait un énorme casque à cornes, une épaisse tunique de fourrure et une grande barbe tressée. À sa ceinture tintait le bruit caractéristique d'un objet métallique. Pour toute valise, il avait un grand sac de toile grossière. Papy Marcel ne put s'empêcher de glousser devant ce spectacle. Un viking, ici, dans l'aéroport du XXIème siècle? Improbable!
— Hvar eru ég? marmonna le viking en regardant autour de lui avec un air perdu.
— Excusez-moi, mon bon monsieur, osez-vous me dire ce qui amène un viking dans nos contrées? demanda Papy Marcel en s'avançant d'un pas déterminé.
Le viking tourna lentement la tête vers Papy Marcel, ses yeux bleus pénétrants scrutant l'ancien avec une intensité presque surnaturelle.
— Ég skil ekki, répliqua-t-il en fronçant les sourcils.
Le moment semblait suspendu, comme si le temps avait décidé de retenir son souffle. Papy Marcel, qui n'avait jamais été homme à se laisser décontenancer, esquissa un sourire bienveillant et lui tendit la main.
— Alors là, mon grand, il semblerait qu'il nous faille un traducteur, dit-il en riant. Mais avant toute chose, je suis Marcel. Vous êtes loin de chez vous, n'est-ce pas?
Le viking lui serra la main avec une force qui témoignait de son habitude des batailles, puis, il se décida à parler dans un français teinté d’un curieux accent :
— Je… cherche vérité. Magic… illusion. Comprendre monde… différent.
C'est alors que Papy Marcel eut une idée. Il sortit de sa poche un vieux téléphone portable et se lança dans la tâche ardue de communiquer avec cet étrange visiteur à l'aide d'un traducteur en ligne. Pendant ce temps, les gens autour d'eux continuaient de les observer, certains avec amusement, d'autres avec une certaine réserve. Mais Papy Marcel n'en avait cure, il aimait résoudre les mystères et celui-ci était tout à fait à sa mesure.
Les minutes passèrent, et à force de patience et de signes, une histoire incroyable se dévoila. Le viking se nommait Olaf et clamait venir du passé lointain, transporté par une puissante magie, à la recherche d'une preuve pour défendre son honneur face à des accusations mensongères. Cela semblait impossible, mais le chapeau que Papy Marcel tenait toujours dans ses mains lui fit penser que parfois, les objets les plus ordinaires pouvaient avoir des histoires extraordinaires.
— Chacun a son histoire, tu vois, dit Papy Marcel en montrant le chapeau de laine. Ce petit bout de tricot m'a été donné par quelqu'un de très spécial. Parfois, il faut croire aux récits les plus improbables pour découvrir la vérité. Racontez-moi la vôtre.
Olaf, touché par la sincérité du vieil homme, débuta le récit de son voyage dans le temps et des fausses accusations portées contre lui dans sa vie d'autrefois. Un autre de son clan l'avait accusé d'avoir volé un trésor inestimable, et seul un voyage à travers le temps lui permettrait de trouver un indice afin de prouver son innocence.
La journée s'écoulait et les gens commençaient à s'écarter, réalisant qu'il n'y avait peut-être pas de spectacle à espérer. Mais Papy Marcel, lui, ne voyait qu’un homme – ou du moins, celui qu'il prenait pour un homme – ayant besoin d'une oreille attentive.
— Et quel est cet indice que vous cherchez? demanda Papy Marcel, le regard plongé dans celui d'Olaf.
— Casque ancestral… Signe Odin, articula Olaf avec un soupir de tristesse. Volé. Accusé. Honneur perdu.
Papy Marcel avait mené bien des quêtes dans sa jeunesse, qu'elles soient réelles ou simplement le fruit de jeux avec ses petits-enfants. Il prit la main d'Olaf et, d'un signe de tête, lui fit comprendre qu'il était temps de faire justice.
Après un moment, Clara et Théo apparurent, tirant leurs valises à roulettes. Les retrouvailles furent joyeuses et, les présentations rapidement faites, les enfants s'emparèrent avec enthousiasme du défi qui s'offrait à eux. À eux quatre, ils élaborèrent un plan audacieux pour rechercher le fameux casque ancestral et lever le voile sur ce mystère.
Armés d'un courage à toute épreuve et d'un enthousiasme contagieux, ils explorèrent l'aéroport. Papy Marcel avança l'hypothèse selon laquelle le casque aurait pu être confondu avec des objets perdus et déposé dans le bureau trouvé par le personnel de l'aéroport.
La petite troupe s’avança vers les bureaux concernés, Clara menant la marche avec une assurance digne d'une exploratrice. À l’accueil, une dame aux cheveux couleur de nuit interrogea :
— Bonjour, que puis-je pour vous?
— Bonjour, madame, répondit Clara. Nous sommes à la recherche d’un casque… très spécial. Auriez-vous trouvé quelque chose de ce genre?
La dame afficha un air songeur et les invita à attendre pendant qu'elle vérifiait dans l'arrière-salle. Les battements de cœur de nos amis semblaient être synchronisés avec le tic-tac de l’horloge murale. Quand la dame revint, elle tenait entre ses mains un casque à corne resplendissant, comme tout droit sorti d'une légende nordique.
— Est-ce cela que vous cherchiez? demanda-t-elle en déposant l'objet sur le comptoir.
Les yeux d'Olaf s'illuminèrent et un sourire de soulagement se dessina sur son visage. C'était le casque, la preuve tant espérée, le secret de son honneur! Papy Marcel serra la main du Viking avec chaleur et, par des mots simples, lui assura que les actes courageux et la vérité finissent toujours par triompher.
Olaf, tenant le casque contre son cœur, se tourna vers ses nouveaux amis avec