Au cœur d'une forêt enneigée, par une nuit étoilée de décembre, le père Noël s'apprêtait à vivre la veillée la plus surprenante de sa longue carrière de distributeur de cadeaux. La Lune, éclatante et pleine, semblait veiller sur lui tandis qu'il avançait avec sa luge tirée par huit rennes fringants. Le vent faisait onduler sa barbe aussi blanche que la neige qui recouvrait généreusement le sol.
Ses yeux pétillaient à l'idée de la joie qu'il allait apporter aux enfants du monde entier. Le père Noël, vêtu de son habituel costume rouge bordé de blanc, tenait fermement dans une main ses lunettes rondes et dans l'autre, la liste interminable de souhaits qu'il avait presque entièrement honorée. Il ne restait plus qu'une dernière maison à visiter, une demeure qu'il n'avait jamais vue auparavant sur ses parcours. Une maison qui, selon les cartes anciennes, se tenait isolée à l'orée de la forêt.
En se rapprochant, le père Noël sentit une brise glacée glisser sur son visage. La maison se dressait haut dans le ciel nocturne, ses murs anciens empreints de mystères et ses fenêtres sombres comme la nuit sans lune. Elle paraissait abandonnée, mais une étrange lueur vacillante s'en échappait, comme si les esprits du passé conversaient à l'intérieur.
— Ho ho ho, qu'est-ce donc que cette baraque lugubre ? marmonna le père Noël, plus intrigué qu'effrayé.
Le père Noël n'était pas homme à renoncer à sa mission. Il saisit sa hotte remplie de jouets et s'avança vers l'entrée. La porte, en bois massif, craqua sous son poids et s'ouvrit sans qu'il eût à la pousser. À l'intérieur, une atmosphère étrangement chaude l'accueillit, contrastant avec le froid mordant extérieur.
La poussière dansait dans les faibles rayons de lumière qui transperçaient les volets entrebâillés. Le père Noël, d'un pas décidé, traversa le hall d'entrée et s'enfonça dans les profondeurs de la maison. Il passa devant des portraits qui semblaient le suivre du regard et des horloges dont les tic-tac semblaient compter les secondes jusqu'à un événement inéluctable.
Dans le salon principal, une vieille télévision en noir et blanc diffusait des images floues et des sons grésillants. S'approchant pour éteindre l'appareil, le père Noël fut interrompu par une voix rauque et humide :
— Salutations, noble visiteur.
Le père Noël sursauta et se retourna pour découvrir un énorme crapaud au regard sagace, fixé sur lui. Il semblait tout droit sorti d'un conte ancien, sa peau luisante sous les faibles lumières.
— Oh ! Et bien… bonjour à toi ! répondit le père Noël, surpris mais non sans gentillesse. Que fais-tu donc dans une maison telle que celle-ci ?
— Je suis le gardien de ces lieux maudits. Et toi, étranger à la barbe de neige, qui oses pénétrer dans mon sanctuaire ? répliqua le crapaud avec une solennité qui dénotait son apparence.
— Je suis le père Noël, et je viens offrir de la joie dans chaque foyer. Mais je dois avouer ne point comprendre pourquoi ce lieu figure sur ma liste, avoua-t-il en sortant la liste de sa poche.
— Ah ! Le père Noël ! J'ai entendu parler de toi dans de vieilles légendes. Je crains cependant qu'il n'y ait aucun enfant ici à qui offrir tes présents, excepté les souvenirs des êtres qui vécurent jadis, expliqua le crapaud avec une pointe de tristesse dans la voix.
Le père Noël sentit une vague de compassion pour le gardien solitaire de la demeure. Il était habitué à remplir de joie les cœurs des jeunes et vieux, mais là, il se trouvait face à une mélancolie qu'il ne pouvait ignorer.
— Peut-être n'y a-t-il pas d'enfants, mais rien n'interdit d'offrir un présent à un gardien fidèle tel que toi, déclara le père Noël en fouillant sa hotte.
Il en sortit un petit paquet enveloppé avec soin dans un papier rouge brillant, noué d'un ruban vert.
— Pour toi, mon ami, continua-t-il. Même les veilleurs méritent un peu de chaleur dans leurs cœurs.
Le crapaud accepta le cadeau avec étonnement, et ses yeux s'embuèrent d'une gratitude silencieuse. Il ouvrit le paquet délicatement pour révéler une petite boîte à musique. Lorsqu'il la mit en marche, une mélodie douce et apaisante se répandit dans la maison, faisant fuir les ombres et apportant une lumière nouvelle dans le regard du crapaud.
— C'est magnifique, souffla-t-il, ému. Merci, père Noël. Tu as apporté de la joie dans un lieu où je ne pensais pas qu'elle pouvait exister.
— Ho ho ho, c'est un plaisir mon ami ! rétorqua le père Noël avec un grand sourire. Cependant, la nuit est encore longue et ma tâche ici est terminée. Prends soin de ce lieu, et n'oublie jamais que la magie de Noël est partout, même dans les endroits les plus inattendus.
Avec ces mots, le père Noël se prépara à repartir. Un nouveau lien s'était tissé, une amitié improbable entre un vieux conteur d'histoires et un gardien de souvenir. Dans la maison hantée résonnait encore la musique de la boîte à musique, et au dehors, la luge du père Noël s'éloignait doucement, laissant derrière elle une poudre magique étincelante, symbole d'une mission accomplie et d'un cœur touché.
La lueur dans les yeux du crapaud brilla plus fort que jamais, et il sut que chaque année, lors de cette même nuit de décembre, la mélodie jouerait à nouveau, et la maison hantée serait moins une demeure de solitude que celle du souvenir chaleureux de l'esprit de Noël.
